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« La mort des cinémas » est la première séance à laquelle j’ai pu assister lors de mon arrivée au Festival International du Court-Métrage de Busan. Une projection hors du commun où l’on nous montrait une série de courts mettant en avant la disparition des salles obscures. Parmi cette sélection, on y trouvait notamment Apocalypse Runner, du réalisateur de 33 ans Cho Hyun-Min. Son film, d’une durée de 40 minutes, se distinguait par son originalité, inventivité et mise en scène.

Apocalypse Runner, Libre de droits
Le réalisateur et moi-même nous sommes ensuite retrouvés pour une interview. En apprendre plus sur son parcours et sa vision des choses a été un voyage des plus intéressant et inspirant.
Apocalypse Runner
Dans Apocalypse Runner, le personnage principal -critique de films renommé- se retrouve plongé dans un monde apocalyptique où le cinéma est banni. Celui-ci continuera néanmoins d’examiner la vie comme s’il s’agissait d’un film. Nombres de clichés sont donc mentionnés, et le réalisateur joue avec eux, décryptant ces scénarios bien connus, dans un monde parallèle.

Apocalypse Runner, Libre de droits
« J’ai aimé le film Scream où les personnages tentent de rester en sécurité grâce aux clichés narratifs qu’ils connaissent. » Me racontait le réalisateur lors d’une interview. « J’aime ces retournements de situation, ce concept. Je suis également un fan de 6th String Samurai et Mad Max, auxquels je fais un hommage avec Apocalypse Runner. »

Affiche de Mad Max avec Mel Gibson, Kennedy Miller Productions
Le scénariste et écrivain
Cho Hyun-Min a écrit cette histoire seul, en l’espace de trois mois. Le réalisateur a un don particulier pour l’écriture et un amour certain pour celle-ci. En effet, en plus d’être à l’origine de scénarios comme Daum ou Social Phobia, Cho Hyun-Min a gagné des prix de littérature, en tant qu’auteur de romans de science-fiction et a signé un contrat avec une maison d’édition. Plusieurs livres destinés aux jeunes adultes sortiront donc fin 2023.
Fascinée, je lui demandais comment il trouvait toute cette inspiration, me remémorant notamment l’originalité d’Apocalypse Runner.
« J’écoute des bandes-son de films lorsque j’écris, pour visualiser les scènes dans ma tête. Mais surtout, j’ai l’habitude de prendre un roman et de choisir des mots au hasard, avec lesquels je crée ensuite une histoire. J’ai découvert que c’était aussi la méthode de l’écrivain français Milan Kundera. Tous ses livres sont basés sur cinq mots-clés. »

Apocalypse Runner, qui rappelle les décors de Mad Max. Libre de droits
Il ajoute «Bong Joon-Ho a lui aussi utilisé trois termes, qu’on ne combine généralement pas, pour faire The Host : Rivière Han/Monstre/Famille. »
Cette idée est ingénieuse et stimule la créativité. Cho Hyun-Min est également à l’origine d’un club d’écriture, qui utilise cette méthode, dans le but de surmonter le syndrome de la page blanche que rencontrent les écrivains et scénaristes.
Le réalisateur a d’ailleurs en ce moment pour activité principale l’écriture de scénario, ayant signé un contrat avec une société de production dont il ne peut pour l’instant pas révéler le nom.

Apocalypse Runner, Libre de droits
Réalisateur avant tout
Cependant, réaliser est son but principal, et il a une idée claire de ses envies : « J’aimerais bien sûr réaliser des films à grand public, mais aussi des films indépendants sans délaisser non plus les courts-métrages, et ceux-ci, à petits budgets. “
Il explique : « Avec Apocalypse Runner, j’ai eu l’expérience de diriger un film au budget important par rapport à d’autres courts-métrages indépendants. Mais ça engendre beaucoup de poids sur les épaules, et les conditions de tournage, dans le désert, étaient difficiles. Je suis satisfait de ce film mais j’y vois aussi des choses à améliorer dans le futur. »
Il continue : « Je voudrais me concentrer davantage sur l’image et les mouvements, et avoir plus de liberté. C’est pour ça, par exemple, que j’aimerais filmer avec un iPhone et tourner dans des endroits simples comme dans une université ou dans mon appartement. Si je pouvais revenir à ma première année d’études, je déciderais plutôt de faire dix court-métrages avec le budget que j’avais plutôt qu’un seul à grosse échelle. »

Apocalypse Runner, Libre de droits
Garder quoi qu’il arrive sa propre vision et créativité
La passion du cinéma et surtout de l’image du réalisateur Cho est indéniable, et sa vision des choses en ce qui les concerne me fascine. Comme beaucoup, il est allé étudier les films à l’université, mais il revendique l’idée qu’il n’est pas forcément bon d’être « formaté, » que la chose la plus importante pour un réalisateur est d’avoir sa propre façon de regarder, de penser et de faire des films.
En tant que professeur lui-même à certaines occasions, il expliquera dans une autre interview pour Whythisjob qu’il redoute que ses élèves se retrouvent dans la même situation que lui à l’université, et souhaite donc que ses idées et opinions ne restent pas trop ancrées en eux, « qu’ils gardent leurs propres croyances et visions. » Il ajoute : « J’espère qu’au lieu de trop écouter les autres, ils continueront d’avancer. Je veux juste être là pour les aider. »

Cho Hyun-Min. Libre de droits
Le réalisateur Cho explique, lors de cette même interview, qu’il a lui-même énormément appris lors de son service militaire : « Pendant ces deux ans, je ne pouvais pas regarder de films. Alors j’avais un notebook constamment avec moi, et j’ai commencé à écrire tous les films mémorables et les scènes que je ne comprenais pas, pourquoi elles étaient filmées de cette manière et ce qu’elles signifiaient. Si je n’avais pas été à l’armée, j’aurais tout simplement essayé de chercher ses réponses sur Internet, ce que d’autres personnes en diraient. Mais là-bas, je n’avais pas d’autre choix que d’interpréter ces scènes moi-même pour continuer d’étudier le cinéma. Je me posais ces questions à moi et à personne d’autre. Développer ma propre vision et interprétation est devenue l’une de mes forces. »

Apocalypse Runner. Libre de droits
Petite note aux lecteurs Français
C’est d’ailleurs lors de son service militaire qu’il écrira son premier scénario, inspiré… des frères Lumière ! Une histoire de science-fiction où les inventeurs du cinéma sauvent l’humanité.

Auguste et Louis Lumière.
« Ce serait un honneur qu’ils regardent mon film. L’un des programmateurs Français de ce festival, Sébastien Simon, l’a énormément aimé. J’ai donc bon espoir que la France montre également de l’amour pour Apocalypse Runner ! »

Le réalisateur Cho Hyun-Min, la photographe Joviri (Joanna) et moi-même lors d’une soirée au Festival International du Court-Métrage de Busan
Un grand merci à Cho Hyun-Min pour son temps précieux à réaliser cette interview improvisée et son agréable compagnie à parler cinéma (photo ci-dessous).
(Apocalypse Runner n’est pas encore disponible au visionnage sur internet, mais le réalisateur espère qu’il le sera prochainement.)
Retrouvez la liste des nominations d’Apocalypse Runner ci-dessous :
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19th Jeonju International Film Festival: Special Jury Prize
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17th Mise-en-scene Short Film Festival
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19th Daegu Independent Short Film Festival: Grand Prix
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2018 Jeonbuk Independent Film Festival
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4th GOsi-chon Short Film Festival: Opening Film
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20th Daejeon Independent Film & Video Festival
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44th Seoul Independent Film Festival: Audience Award
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5th SF Award: Best Film & Video nomination
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2nd Heyri Cinémathèqu Short Film Festival
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6th Asia University Film Festival: Silver Prize
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Rolling Youth Film Festival: Audience Award
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14th Great Short Film Festival
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40th Busan International Short Film Festival