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Dès avoir lu l’histoire du court-métrage Mint Condition, j’ai voulu interviewer sa jeune réalisatrice Yoon Sol-Bin. Présenté au Festival International du Court-métrage de Busan, j’ai eu l’opportunité de couvrir l’évènement. Mint Condition est une histoire tendre, bien que douce-amère, qui résonnait avec la (grande) part de romantisme et sensibilité en moi.
A propos de Mint Condition
Un moment agréable passé dans la salle obscure. Du baume au cœur et de la « joyeuse » mélancolie.

Mint Condition, Libre de droits
Une première rencontre inattendue
Il est amusant comme, alors que la réalisatrice avait accepté avec enthousiasme ma demande d’interview par email -celle-ci devant se tenir le lendemain-, nous nous sommes rencontrés pour la première fois par coïncidence lors d’une soirée privée du festival. Nous avons commencé à discuter, assises l’une à côté de l’autre, sans savoir qui nous étions. Elle était accompagnée de son scénariste -Oh Hanwool-, la conversation fusait entre nous, les deux jeunes gens étant adorables et passionnants. Je cherchais à rencontrer davantage de jeunes cinéastes Coréens, j’étais donc ravie de faire la connaissance de ces artistes prometteurs, et de plaisanter ensemble. Ce n’est qu’au bout d’un moment que nous avons joint les deux bouts : « Mais, c’est vous ! »
L’interview

La réalisatrice et moi-même lors de l’interview. Photo de Marion Pichardie
Marion Pichardie: Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire de Mint Condition ?
Yoon Sol-Bin: Mon précédent film Straight Cat traitait d’un sujet lourd et sérieux. J’ai réalisé que les gens n’avaient pas réussi à s’identifier, j’ai été déçue. Alors après ça, je voulais raconter une histoire de la vie de tous les jours, que n’importe qui pourrait vivre. Puis, je vends moi-même des choses d’occasion sur Internet. Le scénariste et moi avons donc pensé à cette idée.
MP: On pourrait croire, en regardant le film, que les deux ex-partenaires, après avoir passé ce moment ensemble, se remettraient en couple à la fin. Mais celle-ci est tout autre et exprime un autre message. Pourriez-vous nous en dire plus ?
YSB: Dans la dernière scène, on sait que la possibilité qu’ils se remettent ensemble est de zéro, effectivement. L’héroïne est au téléphone avec son mari. Nous avions évoqué cette idée au début, mais en fait, ce n’est pas à propos de ça. Il s’agit plutôt de ce sentiment de revoir quelqu’un avec qui on a auparavant partagé une forte complicité, qui n’existe plus, mais à qui on veut dire merci. C’est ce que l’héroïne fait à la fin, lorsqu’elle retourne sur ses pas pour retrouver son ex-copain !

Mint Condition, Libre de droits
MP: Avez-vous rencontré des difficultés particulières lors du tournage ?
YSB: Mint Condition est un projet de fin d’études. Je dirais que je n’ai pas rencontré beaucoup de difficultés, ça s’est bien déroulé. J’aimais beaucoup les personnes avec qui je travaillais, et pour l’actrice principale, Kim Yeeun, son agence a tout de suite donné une réponse positive quant à sa participation. Par contre, nous avons dû faire une audition pour trouver l’acteur (Lee Wonhee), ça été un peu plus long.
Pour la scène où les deux protagonistes se retrouvent dans un parc pour enfants, il y a eu un typhon le jour qui précédait le tournage. Il y avait des débris, on se demandait si on devait nettoyer. Finalement, tout ça a très bien servi le scénario puisque le héros dit, en s’amusant sur le tourniquet endommagé, « pourquoi ils veulent s’en débarrasser ? Ça marche parfaitement bien. » Ce qui sert de métaphore au fait que son ex petit-amie souhaite vendre ses chaussures de couples en très bon état.

Mint Condition, Libre de droits
MP: L’histoire de votre film est-elle totalement créée ou bien inspirée d’expériences vécues ?
YSB: Une bonne partie n’est que création. Cependant, une autre est vraie : une fois, j’ai moi-même croisée mon ex petit-ami dans la rue et j’ai trouvé ça agréable, j’étais reconnaissante. Je n’avais pas d’animosité envers lui.
MP: Qu’est-ce que ça vous fait de présenter votre film ici, à Busan ?
YSB: J’ai toujours été une admiratrice du Festival International du Court-métrage de Busan. Je voulais vraiment montrer mon travail là-bas un jour. Mint Condition a aussi été projeté au festival de Pyeongchan, mais il est difficile pour le public de s’y rendre. À Busan, j’ai entendu des avis de personnes venant de partout dans le monde sur mon film. J’aime cet échange et ces nouvelles rencontres à l’international.

Au Festival International du Court-métrage de Busan. Photo par Marion Pichardie

Busan Gamcheon Culture Village. Photo obtenue sur Dreamstime.com, Libre de droits
MP: Quels sont vos rêves et objectifs en tant que jeune réalisatrice ?
YSB: Mon but personnel est de réaliser un long-métrage et de le voir sortir. Mais j’ai aussi un objectif plus vaste : il y a beaucoup d’excellents films indépendants et court-métrages en Corée, mais ils n’ont pas la possibilité d’être montré à un grand nombre de personnes. Il y en a un peu sur Netflix, mais ce que j’aimerais, c’est que ces réalisateurs se regroupent pour créer une chaîne YouTube importante où ils pourraient montrer leurs films à un plus large public.
MP: Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir réalisatrice ?
YSB: J’ai commencé à étudier les films au lycée, je savais que j’aimais ça mais j’ignorais vouloir devenir réalisatrice. Je voulais raconter des histoires ordinaires. Avec le temps, je suis tombée amoureuse du processus de production d’un film.

Tous les réalisateurs et leurs équipes (dont Yoon Sol-Bin et son scénariste Oh Hanwool) en “Guest visit, » après la projection de leurs court-métrages au festival.
MP: En tant que jeune réalisatrice, y a-t-il quelque chose dans la façon de réaliser des films en Corée que vous aimeriez voir préservé dans le futur ? Ou bien changé ?
YSB: Bong Joon-Ho a dit » le plus personnel, le plus créatif.» Et je trouve que c’est vrai. Les Coréens ont une façon unique et personnelle de faire des films. Nous devons préserver ces particularités.
Par contre, j’aimerais que les gens puissent découvrir un plus grand nombre de cinéastes Coréens. Il y en a beaucoup de très talentueux, mais pour le moment le reste du monde connaît surtout Bong Joon-Ho ou Park Chan-Wook.
MP: Avez-vous quelques mots à dire pour les lecteurs français ?
YSB: Si vous êtes cinéphile, j’espère que vous pourrez regarder beaucoup de bons films Coréens. Cependant, je pense qu’il est encore un peu difficile d’y avoir accès en ligne. Mais j’aimerais inciter les Français à regarder des films indépendants Coréens.
Je voudrais également vous remercier Marion, pour nous avoir choisi, mon film et moi, pour cette interview, parmi tant d’autres présenter à ce festival. Je sais que vous n’en avez sélectionné que peu !

Mint Condition, Libre de droits
De grandes félicitations à la réalisatrice et son équipe pour l’Excellence Award, gagné au Festival pour leur court-métrage Mint Condition.
La réalisatrice étant encore sous contrat, Mint Condition n’est pas encore disponible en ligne, mais le sera prochainement.
En attendant, découvrez sa bande-annonce ci-dessous.
Merci à Lee Jeong-Min pour son aide à la traduction lors de l’interview, et son enthousiasme sans faille !
BISFF, 2023