[Interview] Le film Trade et la nouvelle génération prometteuse de cinéastes Coréens

Sommaire

L’acteur Lee Jin-Seong dans Trade

Rencontre avec l’équipe sur le plateau

Être invitée sur le tournage du court-métrage Trade était un vrai plaisir. L’ensemble de l’équipe a été très accueillante et bienveillante à mon égard, et son efficacité ainsi que son professionnalisme m’ont épatées. Ils sont encore presque tous étudiants de la prestigieuse Korea National University of Arts, mais leur expérience et passion quant à l’art de réaliser des films ne fait aucun doute.

L’équipe de Trade au complet

Sur le tournage

Ce jour-là, j’ai eu le plaisir de rencontrer pour la première fois le réalisateur Lee Seung-Heon et la productrice Bae Yoon-Kyeong. J’y ai aussi revu mon ami Lee Jin-Seong -acteur principal du film-, son père Lee Sang-Hee (que vous connaissez de Squid Game et dont vous pouvez lire l’interview ici) et sa femme, agent de ces derniers. Tous les trois, nous avions collaboré sur la comédie musicale “Etes-vous heureux Mr Jang Soo?” en octobre 2022.

L’acteur Lee Sang-Hee sur le tournage

L’acteur Lee Jin-Seong au maquillage sur le tournage

La passionnée de cinéma que je suis est très reconnaissante d’avoir pu rencontrer ces gens et d’avoir eu l’opportunité de passer un jour de plus sur un plateau… cette fois en compagnie de l’émergente nouvelle génération de cinéastes Coréens !

L’équipe sur le plateau

Quelques jours plus tard, je retrouvais dans un café de Séoul le réalisateur Lee, la productrice Bae et l’acteur Lee pour une interview exclusive. Ensemble, nous avons échangé sur les défis que rencontrent les jeunes réalisateurs, producteurs et acteurs d’aujourd’hui en Corée, leurs visions du cinéma, leurs envies, les dessous de leur court-métrage Trade et leur connexion avec le public français et ses films.

Mes retrouvailles avec le réalisateur Lee Seung-Heon, la productrice Bae Yoon-Kyeong et l’acteur Lee Jin-Seong lors de l’interview à Séoul

Résumé

Trade raconte l’histoire d’un jeune aide-soignant qui, en essayant d’obtenir un miroir d’occasion d’un vieil homme, finira par échanger de corps avec celui-ci.

L’acteur Lee Sang-Hee dans Trade

Portraits

Lee Seung-Heon, Réalisateur

Lee Seung-Heon souhaitait devenir enseignant en école primaire mais a fini par intégrer un club de films. Pendant cinq ans, il tournera jusqu’à 8 courts-métrages. Le jeune réalisateur décidera finalement d’étudier de manière plus professionnelle en entrant à la Korea National University of Arts. Trade est un film dans le cadre de ses études en Master.

Bae Yoon-Kyeong, Productrice

Bae Yoon-Kyeong a étudié la littérature anglaise à l’université. Elle faisait également partie d’un club de théâtre, et portait un grand intérêt pour le cinéma. Elle a travaillé en tant que personnel dans les festivals, notamment au Festival International du Film de Busan. Avant d’entrer à la Korea National University of Arts, elle travaillait pour une entreprise mais décida finalement d’entreprendre ce qu’elle souhaitait vraiment. Elle travailla en tant qu’assistante de production puis porta la casquette de réalisatrice sur deux films. C’est sur l’un d’eux, « Searching for Mr. Yong, » qu’elle rencontra l’acteur Lee Sang-Hee, avant qu’il n’apparaisse dans Squid Game, et avec qui elle collaborera de nouveau sur Trade.

Lee Jin-Seong, Acteur principal

L’acteur Lee Jin-Seong ne fait pas partie de la Korea National Univeristy of Arts mais a cependant étudié les médias à l’université. À 20 ans, en 2013, il joua dans son premier film. Il prendra ensuite part autant dans des court-métrages que des projets à grand public. En tant qu’acteur, il a donc joué dans quatre films avant Trade. En collaboration avec l’un de ses amis, il réalisa cinq films où il aura le rôle de producteur et réalisateur, tout en s’occupant également des lumières et de divers autres aspects.

Interview

Marion Pichardie : Quels sont les défis à surmonter lorsqu’on est un(e) jeune réalisateur/acteur/productrice en début de carrière en Corée ?

Réalisateur Lee : La grande difficulté pour moi c’est de ne pas avoir assez d’occasions de montrer mon film à un large public. Je me demande tout le temps : « Attire-t-il l’intérêt et l’empathie ? » 

Pour faire parler du film, les festivals sont une bonne idée mais ce n’est pas suffisant, car il y aussi le travail des autres réalisateurs. Je doute toujours que mon œuvre soit spéciale et sorte du lot. Parfois bien sûr, je me demande si je peux continuer mon travail, si je peux toujours réaliser ce genre d’histoire. J’ai aussi cette question : « comment résoudre ces problèmes ? » Ça fait maintenant 10 ans que je tourne des films. Mais, pour l’instant, j’y arrive. Cette interview par exemple est le fruit de mon travail, et j’en suis très reconnaissant. 

Lee Sang-Hee dans Trade

Productrice Bae: En ce qui me concerne, je rencontre surtout des défis au niveau des sujets d’inspiration : « Comment attirer l’attention ? » J’ai travaillé en tant que réalisatrice, maintenant je suis productrice. Je me demande « Est-ce bien de laisser les réalisateurs faire comme ils veulent ? Comment les aider ? Dois-je intervenir pour réaliser un bon film ? Qu’est-ce que veut dire être une bonne productrice ? » 

Les producteurs contrôlent le budget, contactent les distributeurs…etc. En fait, on organise le film du début à la fin. Même en tant qu’étudiante, j’essaie d’assumer ce rôle.

La productrice Bae Yoon-Kyeong

Également, la Covid 19 a engendré quelques soucis supplémentaires. Par exemple, les plateformes de streaming comme Netflix sont devenues très populaires. Peut-être que maintenant les gens préfèrent regarder des films sur celles-ci. Donc l’une de mes grandes questions est : « comment attirer le public dans les salles de cinéma pour voir mes films ? »

Acteur Lee: Pour moi la difficulté c’est toujours : « Comment mieux jouer? » Pour un acteur, il est essentiel de constamment améliorer son jeu. Également, je cherche à être reconnu pour mieux aider au succès du film. Si personne ne me connaît ça n’a pas vraiment de sens. Dans un film on a tous un rôle, il n’est pas fait par une seule personne. Donc comment faire une meilleure promotion de moi-même ? 

Lee Jin-Seong sur Trade

Mais en ce moment, j’ai un peu des impressions et des pensées négatives. Je ressens de la pression, je suis une sorte d’auto-entrepreneur, je dois donc tout faire tout seul. En traversant ce moment plutôt difficile, je pense être dans une période transitoire. Je me demande parfois si je dois continuer d’être acteur. Mais d’un autre côté, je pense aussi que la vie est difficile quoiqu’il arrive, donc il faut faire ce que l’on a vraiment envie, même si par certains moments, ça peut être plus difficile ou pénible.

Lee Jin-Seong sur le tournage de Trade

MP : Les dramas et films Coréens deviennent de plus en plus populaires dans le reste du monde. Comment pensez-vous adapter votre travail à ça ? En tant que nouvelle génération, que souhaitez-vous apporter de nouveau au cinéma Coréen et à son public ? Ou au contraire, que souhaitez-vous préserver ?

Acteur Lee : Les nouvelles technologies ont beaucoup évolué, on voit bien plus de nouveaux contenus. Lorsque les acteurs se produisent sur scène ou à l’écran, je n’aime pas tellement que le public profite passivement. Je voudrais que les films invitent celui-ci à participer activement. 

Lee Jin-Seong sur Trade

Je pense que l’on peut tous donner des idées pour créer de nouveaux contenus. Par exemple, Le Seigneur des Anneaux, qui fut un énorme succès cinématographique, a aussi été adapté en jeu vidéo. Cela montre bien comment le public peut profiter des œuvres de manière active. Je pense que les cinéastes devraient se tourner vers ça aussi. Par exemple, je connais un bar dont les propriétaires sont quatre cinéastes. Là-bas, on peut boire un verre en regardant des films, je trouve ça bien et innovant ! 

Sur YouTube aussi, beaucoup de gens parlent de comment ils comprennent tel ou tel film. On y voit différentes perspectives. Les Coréens ont également une particularité ethnique, le « Han, » qui nous est très spécifique (le terme souligne à la fois le chagrin ressenti face aux expériences traumatisantes subies par un collectif, et la manière dont la population Coréenne surmonte ces expériences ; définition de bonjour-coree.org). 

Dans Squid Game aussi, on y voit des choses très traditionnelles, ces jeux d’enfants des années 60 à 80. De nouveau, ça montre bien la particularité ethnique des Coréens. Je pense qu’il est donc important pour nous d’utiliser cette dernière. 

Le tir à la corde dans Squid Game, Netflix

Productrice Bae : Parasite a obtenu beaucoup de prix. Je pense que je suis bénéficiaire de ce succès comme toute la génération de maintenant. Nous avons donc la responsabilité de celui-ci. À travers les Dalgonas et autres dans Squid Game par exemple, la culture Coréenne est maintenant connue dans le monde entier. Ou encore avec le drama Mr Sunshine, on l’on voit un chapeau traditionel Coréen devenu très connu, le « gat » (갓).

Le chapeau traditionnel Coréen gat dans Mr Sunshine, tvN

De nos jours, contenus Coréens riment avec contenus mondials. À travers eux, on peut faire connaître la culture Coréenne. C’est pour moi l’une de mes responsabilités, l’un de mes rôles. Je veux faire ce genre de film même si ce n’est pas un gros film commercial, même s’il s’agit de court-métrages. Je souhaite faire connaître notre culture très naturellement, avec un film ordinaire.

Réalisateur Lee : Je pense que ce que la Corée fait bien ce sont les histoires de famille. C’est la force asiatique en général. 

Également, la particularité des films Coréens c’est de faire de quelque chose d’irréaliste, un film réaliste. Prenez l’exemple de Parasite. On ne voit pas cette histoire dans la vraie vie, c’est un peu trop. Mais ça semble réel et quelque part ça l’est plus ou moins. Ça montre ce qui se passe parfois dans la vraie vie, avec ce côté un peu exagéré. C’est vraiment là aussi la force des films Coréens. 

Parasite, CJ Entertainment

Puis, de mon côté, je souhaiterais faire des films sur le handicap ainsi que d’autres tournés en campagne. 

MP : Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire de Trade ?

Réalisateur Lee : Je suis en ce moment étudiant en Master, et Trade est un projet d’adaptation originale (les autres étudiants écrivent plusieurs scénarios et ceux-ci peuvent être choisi pour être adaptés en film par leurs camarades réalisateurs). J’étais intéressé de faire de quelque chose d’irréaliste réaliste justement. Donc j’ai choisi Trade car c’est exactement ça. Il y a un échange d’âmes entre un jeune et un homme âgé. 

Lee Sang-Hee dans Trade

J’ai demandé à Lee Seung-Hee et Lee Jin-Seong de mieux se comprendre l’un l’autre. L’âme a changé, donc l’acteur, lui, doit se changer en l’autre acteur.

Le père et le fils ont beaucoup échangé sur leur jeu, et à travers cet entretien, chacun a pu mieux comprendre la situation de l’autre personnage.

Productrice Bae: Pour ma part, en tant que productrice, je participais déjà à trois œuvres, dont l’une d’elle était Trade.  Depuis le début, je voulais participer. La fin est intéressante, il y a un renversement de situation. 

Lee Jin-Seong dans Trade

Dans notre école, lorsqu’on prépare un projet, il y a plusieurs réalisateurs qui peuvent choisir un même scénario puis l’adapter en plusieurs versions. Mais pour Trade, le réalisateur Lee Seung-Hon était le seul à avoir choisi celui-ci. Ca a été un défi pour moi. Je voulais aussi que Lee Seung-Hee et Lee Jin-Seong soient les acteurs principaux. Maintenant, je suis vraiment contente, tout s’est réalisé comme je le voulais.

Acteur Lee : Dès que j’ai vu le titre « Trade, » j’ai tout de suite été intéressé. Par intuition, j’ai voulu participer à ce film. Lors de la production, j’ai parfois aidé à la mise en scène, au scénario…ect. En ce qui concerne mon jeu et ma préparation, je collais des mémos sur la table. En les regardant, j’ai eu beaucoup d’idées en tête. Trade -ce genre de film en général- n’est pas facile à réaliser. C’est un défi côté artistique notamment, car il est riche en différentes mises en scène, lumières etc. 

Sur le tournage de Trade

J’aime aussi un travail acharné, et pour faire ce film le staff a vraiment travaillé très dur. J’ai vraiment aimé ce côté-là. 

Une fois, j’ai demandé au réalisateur « Pourquoi ne pas rallonger la durée du film ? » J’avais des inquiétudes quant à comment le réaliser car il y a beaucoup de messages. Je me demandais comment transmettre tout ça en si peu de temps. 

Également, mon père ne m’avait en fait rien dit, j’ai réalisé qu’il faisait lui aussi partie du film lorsque j’ai lu le scénario. Il ne m’avait pas proposé directement de faire ça ensemble. Le réalisateur Lee a dit souhaiter que ce film nous donne un bon moment père-fils, mais pour être honnête, j’ai vraiment aimé cette œuvre par intuition en tout premier lieu. 

Sur le tournage de Trade

MP : Auriez-vous quelques mots à dire au public français ?

Productrice Bae : Je suis vraiment reconnaissante que les spectateurs français portent un intérêt à ce petit film. C’est l’occasion de le montrer, et de remercier ce public. Nous sommes en début de carrière, donc je suis vraiment reconnaissante de ce moment aussi, d’être interviewée. 

J’aime également beaucoup les films de votre pays. J’espère que les Français trouveront un côté intéressant et divertissant à Trade, et aux films Coréens en général.

Sur le tournage de Trade

Réalisateur Lee : J’ai vu beaucoup de films français dans les festivals, mais j’ai toujours été spectateur de ces événements, je regardais à travers la traduction. Aujourd’hui, je suis interviewé à travers une traduction française aussi, et c’est vraiment gratifiant. C’est un grand honneur. 

Un jour, le réalisateur Bong Joon-Ho a dit : « le cinéma est la meilleure langue. » Je voudrais que Trade et les autres films Coréens puissent avoir plus d’attention du public français en franchissant la barrière de la langue. À travers les festivals et autres événements, je souhaite que les films de notre pays puissent se faire connaître d’un plus grand nombre encore de public à l’international. J’espère aussi que le film Trade aura de la reconnaissance grâce à cette interview.

Lee Jin-Seong pendant le tournage de Trade

Acteur Lee : J’aimerais tout d’abord te remercier Marion, ainsi que ta traductrice Park Ha-Eun pour cette occasion, cette interview. C’est peu familier pour moi mais je suis tellement reconnaissant. 

J’aimerais remercier aussi les étrangers qui portent un intérêt pour la culture Coréenne. Également, grâce à nos cinéastes qui ont travaillé dur jusqu’à aujourd’hui, les films Coréens sont maintenant populaires. J’aimerais les remercier aussi.

Dans le futur, les cinéastes de notre pays et du monde entier collaboreront sûrement. J’espère aussi que le réalisateur Lee Seung-Heon et la productrice Bae Yoon-Kyeong pourront aussi le faire, ou au moins rencontrer beaucoup de cinéastes étrangers. Ils vont nouer de nouvelles relations.

On a tous des perspectives différentes car nous avons des cultures distinctes. Marion, tu as ta propre culture Française et moi Coréenne par exemple. Mais à travers nos collaborations, on pourra maintenant voir naître ce nouveau type de film.

Trade sera disponible prochainement au visionnage.

Merci à la traductrice Park Ha-Eun pour cette interview.

Marion Pichardie

Fondatrice de Bokjoo Nabi

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