Adulting at 18 : Rencontre avec la réalisatrice Joo Young

Sommaire

Après nous être rencontrées pour la première fois lors de la projection de son nouveau film « Adulting at 18, » la réalisatrice Joo Young et moi-même nous sommes revues quelques semaines plus tard, cette fois-ci dans ses studios Cherry Elephant à Incheon.

La réalisatrice Joo Young, la traductrice Park Ha-Eun et moi-même dans les studios de Cherry Elephant pour l’interview

Après une carrière dans les court-métrages, c’est à 50 ans que la cinéaste réalise son premier long-métrage, le film indépendant « Adulting at 18. » Ceci coïncide avec l’histoire d’une réalisatrice qui fut son inspiration : « J’ai vu un film qu’une dame de 50 ans avait réalisé. Je me suis rendu compte que c’était son premier. Pour moi, le vide était comblé. J’ai aussi réalisé un long-métrage à 50 ans et je ne pensais pas que ce serait possible. C’est important de rêver. Tout ce que réalisent des femmes donnent du courage aux autres femmes. »

La réalisatrice JooYoung, Libre de droits

La cinéaste a conclu en souhaitant donner autant de force aux autres femmes que cette cinéaste lui en a procurée. Même si son nom ne m’a pas été révélé par la réalisatrice Joo Young lors de l’interview, elle m’a révélé que celle-ci était maintenant la directrice du comité exécutif du Festival International du Film Féminin de Séoul. C’est dans cet entretien intéressant que la cinéaste m’en a raconté plus sur les dessous de son film, les messages qu’elle souhaitait faire passer, ses rêves et ses ambitions.

La réalisatrice Joo Young, Libre de droits

Adulting at 18 : l’histoire

« Vous n’avez pas à me remercier. » Yoon-Seo, une adulte au tempérament dur.

« Ce serait bien d’avoir au moins une personne qui croit en moi. » Soo-Chan, un jeune homme sans rêve.

Pour Yoon-Seo, qui réalise des interviews pour le périodique de la mairie, la chaleur humaine est comme la chaleur humide et désagréable de l’été. Mais un jour, elle se dispute avec un jeune livreur, Soo-Chan, qu’elle reverra ensuite par hasard lors d’une interview. Un lien se créera alors petit à petit entre eux.

Adulting at 18, Cherry Elephant, Libre de droits

L’interview

Marion Pichardie : En quelques sortes, le film questionne ce que veut vraiment dire être adulte. Pouvez-vous commenter quant à ce message que vous vouliez faire passer ?

Joo Young : Je ne peux pas vraiment donner de bonnes réponses à la question « que veut dire être adulte. » Car est-ce que devenir plus âgé veut forcément dire devenir adulte ? Ou encore « un bel adulte ? » Le film commence en fait par cette question. Je voulais aussi exprimer que même si on devient plus âgé, il y a encore la possibilité de devenir plus mûr, plus sage, avec des efforts.

M.P : Parlez-nous de vos trois acteurs principaux, Lim Seon-Woo, Kim Myeong-Chan et Lee Sang-Hee. Comment les avez-vous choisis et qu’est-ce qui vous a plu chez eux ?

J.Y : J’avais déjà travaillé avec Lee Sang-Hee par le passé, et il habite aussi près du studio, basé à Incheon. Dès le début de la production du film, il a dit qu’il voulait aider, et il a tout de suite été décidé qu’il jouerait le rôle de Kang Yoo-Seok. J’ai aussi pensé qu’il serait amusant de voir un homme plus âgé faire de la trottinette au bord de la mer !

Quant à Lim Seon-Woo, je l’avais vu dans un court-métrage. J’avais beaucoup aimé son caractère un peu froid et méchant. J’ai pensé que ce serait une bonne chose qu’elle fasse partie du casting du film. 

J’avais déjà pensé à ces deux acteurs, dès le début. 

Pour ce qui est de Kim Myeong-Chan, j’étais un peu inquiète, car il n’avait aucune expérience avant ce film. Mais il était comme un « papier blanc, » et on peut tout écrire sur du papier blanc. J’ai aussi fait beaucoup confiance à son manager qui disait vouloir le pousser à donner son meilleur. Kim Myeong-Chan a été le seul à faire une audition.

Lee Sang-Hee et Lim Seon-Woo sont des acteurs expérimentés, lui ne l’est pas, mais il s’est vraiment très bien débrouillé.

Kim Myeong-Chan dans Adulting at 18, Cherry Elephant, Libre de droits

M.P : Que souhaitez-vous représenter à travers chacun de leurs personnages ?

J.Y : Avec le personnage de Han Yoon-Seo -interprété par Lim Seon-Woo-, je voulais faire passer le message que même si on est âgé, ça ne veut pas forcément dire qu’on est un « vrai » adulte. Elle a presque 40 ans mais pense qu’elle n’est pas adulte mentalement. En général, à cet âge, lorsqu’on voit un adolescent, on sympathise avec lui, on s’inquiète pour lui. Mais pas elle. Elle est plutôt individualiste, froide. Cependant, ça ne signifie pas qu’elle ne pense pas aux autres. Elle le fait et aide à sa manière. Par exemple, elle pense tout simplement que rester aux côtés de quelqu’un suffit, que parler n’est pas tout le temps nécessaire.

Pour le personnage de Yang Soo-Chan -interprété par Kim Myeong-Chan-, c’est un jeune qui est sorti du foyer de groupe (à mi-chemin entre les familles d’accueil et les unités plus encadrées des centres de réadaptation ; sorte de protection sociale de la jeunesse). Je voulais que les gens n’aient pas de préjugés envers lui, même s’il est sans parents. Car souvent de fois, quand les autres apprennent cela, ils ont des aprioris négatifs. Qu’il soit orphelin ne veut pas forcément dire qu’il manque de quelque chose, ou qu’il est différent des autres gens de son âge. Son environnement l’est forcément bien sûr un peu, mais il est un jeune ordinaire. 

Lim Seon-Woo et Kim Myeong-Chan dans Adulting at 18, Cherry Elephant, Libre de droits

Pour le personnage de Kang Yoo-Seok -interprété par Lee Sang-Hee-, je voulais montrer un adulte sage, qui pourrait accepter les défauts et les erreurs des autres et non les critiquer. C’est un personnage qui ne se vante pas mais est assez franc.

M.P : Pour les lecteurs français, quels aspects de la culture et société Coréenne voudriez-vous souligner à travers ce film ?

J.Y : Il y a une scène où Monsieur Jang, le boss, et les employés plus jeunes se retrouvent au bowling. Il est le représentant de la culture « Kkondae » (Personnes d’âges mûrs qui forcent leurs pensées sur les jeunes, qui est un peu vieux jeu). Il est ce type d’adulte mais il ne s’en rend pas compte. Par exemple, pour la précédente génération, les soirées d’entreprises font partie du travail, mais cette culture ne convient plus aux jeunes.

C’est problématique mais ça change petit à petit de manière positive. Dans la scène, Monsieur Jang se plaint et demande aux jeunes d’apporter des boissons, et ils se disputent. Il y a un vrai conflit des deux générations en général, je pense que c’est un gros souci. Les jeunes pensent que tous les adultes sont « Kkondae, » et les adultes ne considèrent pas les jeunes non plus. Il reste donc un chemin à parcourir dans la société coréenne par rapport à ça. C’est un défi à relever.

Lim Seon-Woo dans Adulting at 18, Cherry Elephant, Libre de droits

M.P : Pour les lecteurs français, que veut dire tourner un film indépendant en Corée ? Quels en sont les caractéristiques principales, les avantages et désavantages ?

J.Y : Bien sûr, la principale difficulté c’est le moyen de financement. Si l’on ne veut pas être dépendant des grandes entreprises de production on doit trouver d’autres solutions. Pour ce film, notre société, Cherry Elephant, a gagné de l’argent avec ses activités. On a utilisé ce faible budget pour tourner Adulting at 18. Et parce que c’est une petite société, le budget était encore plus réduit que les autres films indépendants.

Il y a des aides du gouvernement aussi mais c’est difficile de garantir un financement. Également parfois, le staff n’est pas forcément très compétent car on peut pas se permettre d’avoir des gens expérimentés. Nous n’avions pas beaucoup de costumes de qualité non plus. 

Kim Myeong-Chan dans Adulting at 18, Cherry Elephant, Libre de droits

De plus, on doit tourner rapidement, le staff fait donc beaucoup d’efforts en peu de temps. Pour résumé, on a beaucoup de limitations. Cependant, celles-ci nous permettent également d’être créatifs pour combler les vides. Le staff aussi ne se plaint pas, les gens comprennent et on arrive à avoir des relations plus profondes. On crée de nouvelles idées.

Lorsqu’on est produit par de grands studios, on doit créer un contenu spécifique, contrôlé, pour attirer le monde et le succès. Je pense que les films indépendants sont nécessaires, car ils permettent une prise de conscience culturelle. Les films indépendants ont besoin du soutien du public, pour aller voir le film mais aussi pour contribuer à leurs financements. Si on sort de la dépendance du gouvernement pour être financé, on pourra continuer à faire des films même si celui-ci change.

Les personnages de Yoon-Seo et Soo-Chan se disputant lors de la livraison du jeune homme chez celle-ci dans Adulting in 18, Cherry Elephant, Libre de droits

M.P : Vous êtes la CEO de la société de production Cherry Elephant, derrière votre film. Quels sont les objectifs et la philosophie de celle-ci ? 

J.Y : J’ai commencé à créer cette société en voyant des cinéastes avec des instabilités financières. Je voulais fournir des emplois stables. Certains font un bon travail mais ne sont pas rémunérés. La société est petite mais je veux que les cinéastes puissent s’appuyer dessus. Bien sûr, il y a une limite de création d’emplois stables, donc j’ai commencé un projet de vente de vêtements : NOWWEATHER. 3 % des recettes sont reversées aux cinéastes indépendants et amateurs (nouveaux) pour les aider et les soutenir.

J’ai également un rêve, c’est de créer un espace de repos et de soutien pour les acteurs. Ceux-là font des auditions interminables à Gangnam par exemple, et sont absolument épuisés. J’aimerais qu’avec Cherry Elephant ils puissent se reposer, métaphoriquement. Je mets plus d’importance à créer un espace de repos qu’à devenir célèbre.

La réalisatrice Joo Young, Libre de droits

M.P : Avez-vous quelques mots à dire aux spectateurs français de votre film et des films indépendants Coréens en général ?

J.Y : J’espère qu’Adulting at 18 suscitera beaucoup d’intérêt chez les Français. Cependant, je mets en avant dans ce film les difficultés de certaines personnes, quelques problèmes par rapport à des réalités de la vie en Corée, mais j’aimerais que le public français ne pense pas qu’il ne s’agit que de ça dans notre pays ! [Rires] Elles sont seulement mises en avant dans ce film-là.

Merci à la traductrice Park Ha-Eun pour son aide précieuse!

Marion Pichardie

Fondatrice de Bokjoo Nabi

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